ANA | YAN

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Devenir maman avec une stomie ; un bébé miracle

Devenir maman était un rêve que je caressais depuis de nombreuses années. J’avais enfin trouvé l’amour de ma vie et je nous voyais fonder une famille dans les années à venir. En janvier 2020, j’ai vu mon rêve s’écrouler devant mes yeux. La colite ulcéreuse avait soudainement ravagé mon espoir de devenir maman à court ou moyen terme.

 

Le 8 août 2020, après des mois de grandes souffrances, j’ai finalement été opérée pour une colectomie totale, résultant en une stomie, qui, à ce moment, devait être temporaire. Rapidement, mon état de santé général s’est vu nettement amélioré. Cependant, jamais je ne croyais que mon corps était prêt pour porter un enfant alors que je devais m’adapter physiquement et mentalement à ma nouvelle réalité de stomisée. De toute façon, je n’avais plus mes règles depuis des mois et je m’étais fait à l’idée que j’essayerais de tomber enceinte une fois ma série de trois chirurgies complétée.

 

Lors de mon suivi post-opératoire avec mon chirurgien, ce dernier m’avisa que ma deuxième chirurgie pour créer la poche en J serait retardée de plusieurs mois à cause du délestage. J’étais découragée, car cela repoussait encore plus loin une grossesse potentielle. Après mûre réflexion, mon conjoint et moi avons décidé de mettre notre destin entre les mains de l’univers. C’est lui qui déterminerait si c’est un bébé ou ma deuxième chirurgie qui viendrait en premier. J’avais pris des informations concernant la possibilité d’une grossesse avec une stomie, donc je savais que c’était possible quoique risqué. Honnêtement, j’avais peu d’espoir que ça fonctionne après l’année d’enfer que mon corps venait de traverser.

 

Lorsque j’ai appris que j’étais enceinte, je n’en croyais pas mes yeux. J’avais devant moi un test de grossesse positif, mais je pensais rêver. Jamais je n’aurais cru qu’il serait possible que je tombe enceinte seulement deux mois après avoir traversé l’épreuve la plus difficile de ma vie à ce jour. J’ai donc sauté dans ma voiture et suis allée à la pharmacie acheter deux autres tests de grossesse, pour être vraiment certaine du résultat. Lorsque ces deux nouveaux tests ont eux aussi affiché un « plus », le bonheur m’a envahie ! C’était pour moi un miracle d’avoir un petit être humain qui commençait à se développer dans mon corps, alors que ce dernier s’adaptait encore tranquillement à ma stomie. Je suis allée annoncer la bonne nouvelle à mon conjoint qui fut lui aussi très heureux et surpris ! Nous avons versé ensemble des larmes de joie, impossible d’être plus heureux !

 

Avec la colite ulcéreuse et ma stomie, je devais être suivie en grossesse à risque. J’avais des rendez-vous plus fréquents afin de valider que tout se déroulait comme prévu. Dès les premières rencontres avec mon obstétricienne, nous avions déterminé que je donnerais naissance par césarienne planifiée autour de 37 semaines. J’aurais pu essayer d’accoucher naturellement, mais avec la colite encore active et la future chirurgie visant à créer la poche en J (mon plan à ce moment), il était plus sage de ne pas risquer de déchirer les tissus de la région pelvienne.

 

Les trois premiers mois de ma grossesse ont été très nauséeux, comme pour bien des femmes. Ceci dit, au niveau de ma stomie, il n’y avait aucune différence ou dérangement. La colite, par contre, a été active dans le seul organe qu’elle pouvait encore affecter, mon rectum, tout au long de ma grossesse ! Mis à part mes deux séjours à l’hôpital, je dois dire que j’ai été chanceuse, car j’étais importunée par la colite davantage le matin en me levant et le soir en me couchant, ce qui me laissait tout de même un répit durant la journée.

 

1er séjour à l’hôpital :

 

Pendant ma 15e semaine de grossesse, mon petit bébé miracle et moi avons été hospitalisés une semaine, car la colite avait décidé de s’enflammer et de me donner des érythèmes noueux sur les tibias. Je me suis réveillée un matin en douleur intense, incapable de bouger mes jambes. J’avais des nodules rouges sur les tibias et le simple fait de frôler un tissu sur les rougeurs me donnait envie de hurler. Mon conjoint devait me transporter dans ses bras pour tous mes déplacements. Un médecin m’a ordonné d’aller à l’hôpital où j’ai été traitée par médicaments intraveineux. J’ai pu recommencer à marcher après environ 4 jours. Ce fut une semaine difficile. Je ne pouvais pas avoir de visite à cause de la pandémie et je m’inquiétais beaucoup pour mon bébé. J’espérais de tout cœur qu’il ne soit pas affecté par le stress et la maladie qui me grugeaient. Je passais presque tout mon temps à flatter mon ventre et à dire « Ça va bien aller, on va être corrects ! ».

 

2e séjour à l’hôpital :

 

Pendant ma 19e semaine de grossesse, mon bébé et moi avons été hospitalisés une deuxième fois. Augustine, ma chère stomie, ne fonctionnait plus. J’avais une occlusion intestinale. S’en sont suivis une mise à jeun pour plusieurs jours, une sonde dans ma stomie, un tube nasogastrique, des rayons-X, une résonance magnétique, des nausées, des vomissements et de l’angoisse à profusion ! J’ai passé très proche de devoir me faire opérer pour régler la situation. Le chirurgien m’avait avisé au début de mon séjour à l’hôpital que c’était le dernier recours. Plus les jours passaient, plus on se dirigeait vers cette solution et plus j’étais terrorisée. Subir une anesthésie générale enceinte de 19 semaines et mettre la vie de mon bébé à risque, non merci ! Ce séjour à l’hôpital fut haut en émotions. Une infirmière venait chaque jour me faire écouter le cœur de mon bébé et ce petit moment me réconfortait tellement. Je savais qu’il allait bien malgré tout. En fait, le dernier rayon-X montrait que la cause de l’occlusion était mon bébé. Il allait si bien qu’il prenait toute la place et écrasait mon intestin grêle ; la cohabitation était plus difficile étant donné ma physionomie plutôt menue ! Je me suis donc mise à caresser mon ventre plus vigoureusement en espérant faire changer mon bébé de position. Le lendemain, ma stomie a tranquillement repris sa fonction. J’ai pu recommencer à manger et je suis finalement retournée à la maison en évitant le pire.

 

Le reste de ma grossesse s’est déroulé plus en douceur. Par contre, je n’ai jamais senti le regain d’énergie que la plupart des femmes disent ressentir au deuxième trimestre. La fatigue fut constante pour moi du début à la fin. Côté stomie, je n’ai pas eu d’autres complications. J’ai aussi eu la chance d’utiliser le même appareillage tout au long de ma grossesse.

 

Le jour J s’est déroulé comme prévu. J’ai donné naissance par césarienne à une magnifique petite fille en pleine santé ! J’avais enfin l’impression que la vie m’avait entendue et me récompensait en me donnant le plus beau des cadeaux. Je serai éternellement reconnaissante pour ce grand privilège d’être maman.

 

À chaque fois qu’une pensée négative en lien avec ma condition ou mon image corporelle me vient à l’esprit, j’essaie de me rappeler que c’est ma stomie qui m’a permis de retrouver la santé, de regagner ma liberté et d’avoir la vie que j’ai aujourd’hui. Malgré les grands défis quotidiens liés à ma condition de stomisée, pour rien au monde, je ne changerais quoi que ce soit à mon parcours. C’est grâce à ce que j’ai vécu que je suis présentement une meilleure version de moi-même en plus d’être une maman comblée.

 

Étant différente physiquement des autres mamans, j’aspire à élever ma fille dans l’acceptation des différences, l’inclusion, le non-jugement et le respect. Je souhaite aussi capitaliser le plus possible sur mon expérience personnelle pour lui inculquer très jeune certaines choses que j’ai apprises un peu tard, dont : le lâcher prise, vivre dans le moment présent, être doux envers soi-même, avoir confiance en soi, ne rien prendre pour acquis, se concentrer sur le positif et être reconnaissant au quotidien.

 

Je remercie la vie chaque jour. Mon histoire est imparfaite, mais parfaite pour moi. Je le répète encore : la vie fait souvent bien les choses et ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts !