ANA | YAN

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JE SUIS INFIRMIÈRE ET STOMISÉE

En mai dernier, j'ai obtenu mon diplôme d'infirmière. Je peux désormais pratiquer mon métier dans un domaine qui me passionne, soit la chirurgie. À tous les jours, je me revois dans les yeux de certains patients. Je vois des tubes nasogastriques, des plaies abdominales avec des drains, des obstructions intestinales, des infections, des abcès, des fistules et tous les types de stomies, soit les iléostomies, les colostomies ainsi que les urostomies. Je soigne et je prends soin de ces patients. J'écoute leurs inquiétudes et leurs angoisses et j'essaie de les aider du mieux que je peux. Pourtant, ces patients n'ont aucune idée de mon passé et du petit sac collé sur mon abdomen. Je me vois en eux... Mais serait-il thérapeutique pour eux de se voir en moi ?

J'ai longuement réfléchi sur le rôle que ma stomie et mon histoire médicale pouvaient jouer par rapport à la façon dont j'allais traiter mes patients. J'en suis venue à la conclusion de le garder pour moi, car personne ne le vit de la même façon. Chacun mène son cheminement de l'acceptation différemment et chacun possède ses propres embûches. Par contre, j'allais utiliser mon expérience pour les aider. Je me suis rendue compte que je n'avais pas besoin de parler de mon sac pour les faire avancer dans leur convalescence.

Toutefois, c'est parfois extrêmement frustrant pour moi, car j'entends toutes sortes de commentaires comme : «Au pire, c'est seulement 4 mois avec le sac. Je reprendrai mes activités normales après» ou des infirmières qui disent : «Je ne serais tellement pas capable de vivre avec tout ça, avec la stomie et les tubes qui sortent de partout..». Je suis frustrée. C'est irritant à mes oreilles, car je l'ai vécu et j'ai survécu. La majorité des gens ne connaissent pas leur force intérieure, ni leur résilience et encore moins leur instinct de survie. 

D'ailleurs, mes collègues infirmières ne savent pas mon histoire, car, selon moi, ça ne fait pas de moi une infirmière différente. Je soigne comme elles soignent. Je ne veux pas être vue différemment. 

Je garde ce détail pour moi. Pas parce que je ne suis pas fière ou que je ne veux pas aider mes patients. Je le fais, car je juge que cette information ne sera pas plus bénéfique ou thérapeutique ni pour moi, ni pour le patient. Je souhaite rester une infirmière comme les autres, mais avec cette profonde empathie que je sens bouillir en moi vis-à-vis un patient qui vit une situation similaire à la mienne. 

Finalement, j'ai décidé de poursuivre mes études à l'université pour les deux prochaines années et de me spécialiser en stomothérapie par la suite. Je souhaite travailler avec les personnes stomisées. Mon but ultime serait de faire la différence dans plusieurs vies, de pouvoir véhiculer comme message que l'on peut être absolument normal avec une stomie et que la vie continue. Je veux briser les tabous et normaliser cette condition physique. 

Je suis une infirmière stomisée et je suis qui je suis. 

 

Laurie-Anne

Cet article est présenté par notre partenaire : Centre de stomie de la Mauricie