ANA | YAN

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TOUTE UNE HISTOIRE DE DERRIÈRE

Quelques jours avant de me faire enlever mon gros intestin, mon gastroentérologue est venu s’asseoir au pied de mon lit pour me parler de mon rectum et de mes options. Jamais je n’aurais cru avoir une liberté de choix par rapport à mon anus.

J’avais la possibilité de tout me faire enlever ou de garder mon rectum et mon sphincter anal. Bien évidemment, chacune des options a ses avantages et ses désavantages. Si je choisissais la première option, mes risques d’infertilité augmenteraient puisque l’opération se fait à proximité des organes reproducteurs. De plus, sans anus, il n’y aurait plus jamais de retour en arrière. J’allais obligatoirement être stomisée jusqu’à la fin de mes jours. À l’opposé, si je gardais mon rectum, il y aurait toujours une porte de sortie disponible. En effet, si la possibilité se présentait, je pourrais toujours opter pour le réservoir iléo-anal qui se traduit par la connexion du petit intestin au rectum. Dans mes pensées les plus folles, je me dis que les avancées de la médecine et de la technologie vont peut-être nous amener à la création d’un côlon artificiel. Le simple fait de savoir qu’éventuellement il y aura peut-être d’autres options disponibles est extrêmement rassurant dans les moments difficiles. Par contre, les désavantages de garder le rectum sont les endoscopies annuelles et le mucus que produit le rectum. Mon médecin m’avait préalablement avertie que je pourrais avoir des petites pertes. Lorsque le temps de prendre ma décision est venu, mes parents m’ont beaucoup aidée puisque ce n’est pas un choix que l’on fait seul ni que l’on fait sur un coup de tête. En fait, personne ne devrait avoir à prendre ce genre de décision dans sa vie.

Finalement, j’ai décidé de garder mon rectum. J’étais capable de m’imaginer vivre sans gros intestin puisqu’il est impossible de constater concrètement l’absence d’un organe. Mis à part la cicatrice et la stomie, c’est quelque chose de très abstrait. Par contre, se faire enlever une structure anatomique externe, c’est une tout autre histoire. Je ne voulais pas sentir, au bout de mes doigts, qu’il me manquait quelque chose. J’avais aussi peur que les hommes me désirent moins puisque j’aurais un trou en moins entre les jambes.

Après une longue réflexion indispensable concernant mon fessier, les chirurgiens ont créé mon moignon rectal. Je déteste ce terme, il me fait sentir comme une amputée. Je suis une amputée du côlon. Ce moignon peut demander beaucoup d’entretien. Environ deux à trois fois par semaine, je dois insérer un suppositoire qui nourrit les cellules de mon rectum. Cela a pour but de diminuer l’inflammation qui n’est pas du tout reliée à la maladie, mais plutôt à une réaction normale du corps. Pour faire court, les cellules de notre rectum se nourrissent des nutriments de nos selles et quand on ne fait plus caca par l’anus, ces petites cellules se révoltent contre nous.

Une semaine après ma chirurgie, je n’arrêtais pas de me plaindre que j’avais envie d’aller à la selle. Mes parents me répondaient systématiquement que ce n’était que des douleurs fantômes et que ça allait finir par partir. C’est alors qu’une chirurgienne m’a mis une sonde urinaire dans le postérieur et m'a retiré une bonne quantité de mucus. Elle m’a dit que je n’étais pas folle et que mes douleurs étaient bien réelles. À partir de ce moment-là, j’ai su que je devais aller à la toilette pour vider mon rectum quand il était plein. Cette réalité était bien loin des petites pertes de mucus dont mon médecin m’avait parlé. Je me suis tout de même adaptée à cette situation. Le plus difficile a été de trouver le juste équilibre entre la quantité de suppositoires à prendre et le nombre de fois dont je devais vider mon rectum par semaine. Plus je mets de suppositoires, plus mon rectum va se remplir vite. Moins j’en mets, plus mon rectum va s’inflammer et plus il va produire de mucus. Je dois l’avouer, ce n’est pas toujours facile pour moi de vivre avec mon rectum, mais je vous mentirais si je vous disais que je regrette mon choix. Si c’était à refaire, je prendrais la même décision, encore et encore.

Laurie-Anne

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