ANA | YAN

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Fréquenter une fille atteinte d'une maladie chronique

Lorsqu’on m’a proposé d’écrire sur l’amour et les rencontres, j’étais craintive à l’idée. Comment puis-je donner des conseils sur un sujet qui me travaille autant? Comment puis-je donner des trucs alors je ne suis pas championne dans cette discipline de ma vie. J’ai réalisé qu’au lieu de parler de conseils de sagesse, j’allais vous offrir mes expériences en toute vulnérabilité. Peut-être que ça vous rejoindra et que vous comprendrez…

Si vous demandez à un homme ou une femme, quelle qualité trouve-t-il la plus attirante chez leur conjoint, il y a de fortes chances qu’il réponde : la confiance en soi. Moi-même je trouve ça super attirant et même que ça peut être un «turn on». C’est un concept simple…mais, il fait partie intégrante de mon combat.

Je suis une personne sûre d’elle-même. J’ai confiance en qui je suis,  en mes croyances et en ce qui est important pour moi. J’ai confiance en mon écriture, mon travail éthique, mes relations amicales, ma sexualité, mon humour et mon intelligence. Je sais ce que j’aime, ce que je mérite, ce qui m’attire et ce que je veux. Je suis assez confiance pour résister à la confrontation, être honnête, accepter les responsabilités et offrir des conseils. J’ai confiance en mon expérience, mon éducation, mes erreurs et ma croissance. Mais quand il s’agit de «dater», pour une raison que j’ignore, le petit diable anxieux en moi essaie de me convaincre que je ne suis pas de taille, que ça marchera jamais… Et juste comme ça, cette qualité si attrayante, que je possède pourtant, disparaît!

De temps à autre une personne spéciale arrive dans ma vie, le temps passe, les discussions sont bonnes et le petit diable s’efface. Instantanément, un voile se lève et je deviens qui je suis réellement, beaucoup plus qu’une fille insécure. Cette personne apprend et comprend que je suis atteinte d’une maladie chronique. Quand tu rencontres une fille souffrant d’une maladie chronique, sous sa carapace se cache un cœur doux. Tu découvres une personne qui a du vécu à partager, des anecdotes de résilience, de défaites, parfois de tristesse ou de guérison. Une fille qui apprécie chaque moment, qui profite de la vie et qui peut gérer n’importe quoi. Elle est aussi quelqu’un qui n’a pas de temps à perdre…

À l’ère numérique instantanée, on aime, commente, «swipe», littéralement au bout de nos doigts. Dès la perception d’une qualité peu attrayante, on passe au suivant,  rappel la fréquentation de la semaine dernière ou pourquoi pas une nouvelle personne. On essaie de se renouveler, d’être au meilleur de nous-mêmes, positif, radieux, beau et confiant. Mais ce n’est pas ça la vrai vie…du moins pas quotidiennement et pas si on veut quelque chose de sérieux. 

J’ai envie de vous parler de la fameuse zone grise. Cette zone incertaine où un texto, un snap, un j’aime, un «poke» peut être la forme de communication la plus courante dans laquelle l’honnêteté et la conversation sont dures à tenir. C’est plaisant jusqu’à ce que le temps de parler de vraies affaires; la maladie et le bagage que tu traines, arrive... Ça, il faut en parler de façon appropriée et claire, non pas à travers un écran. Sinon la zone grise continue de grossir, tu ne sais pas comment la personne réagit, comment elle se sent, qui d’autre est impliqué et c’est une roue qui tourne. C’est bien pour les gens ordinaires, je comprends, il faut jouer «la game». Cependant, quand t’a une maladie chronique, ça ne s’évapore pas, il faut en parler.

Personnellement, je préfère être impliquée à fond plutôt qu’à moitié. Accepte mes cicatrices, soit empathique envers ma douleur, aide moi à supporter ce bagage. Ou va-t’en. Parce que, je peux supporter tout ça seule, je le faisais avant toi. Ce serait bien, évidemment,  mais je suis forte et je ne veux pas avoir à te convaincre de m’apprécier. Ça peut sembler cynique et méfiant, mais tu as affaire à une personne que la vie a mise au défi tellement de fois qu’il est plus prudent pour elle d’être son propre héro que d’avoir quelqu’un qui risque de lui échapper son bagage sur les pieds.
Les gens adorent les zones grises, ils pensent que c’est plus facile de s’en sortir graduellement que d’y aller à fond et de dire les choses honnêtement au cas où ça ne marcherait pas. Crois-moi, si tu fréquentes une fille qui a une maladie chronique, tu ne lui briseras pas le cœur si facilement. Elle n’est pas fragile parce qu’elle a déjà vécu le chagrin ultime : la trahison de son propre corps.

Je suis un paradoxe ambulant alors que j’écris ces lignes. Vulnérable, exposant mes craintes d’être seule et indésirable. Juste assez confiante pour vous le partager. J’ai réussi à ouvrir mon esprit au monde sur mes difficultés et ma maladie, mais quand il s’agit des hommes, j’ai de la misère à expliquer quel moment ma vie est devenue hors de contrôle et à quel point ça été difficile. Pourquoi j’ai été célibataire pendant si longtemps, pourquoi j’ai des cicatrices, pourquoi je vis de l’anxiété, pourquoi je manque parfois de cette qualité si attirante qu’est la confiance en soi?

Avec ma colite ulcéreuse, cette confiance a commencé à disparaître dès que je me suis littéralement échappée dans mon pantalon à l’épicerie.  Ou lorsque je passais 30 minutes à la salle de bain, 15 fois par jour. Or lorsque j’ai mis ma vie sur pause alors que j’étais à l’hôpital et que j’avais le visage enflé par les stéroïdes. Ensuite, j’ai perdu mes cheveux, ma peau est devenue très pâle et mes yeux enfoncés. Et puis, j’ai eu un sac de stomie. Je n’arrêtais pas de me dire que ce serais capable de «dater» lorsque je serais de retour sur pied, que mon visage reviendrait normal, que mes cheveux repousseraient, que j’aurais bientôt terminé toutes mes chirurgies. Me voilà physiquement de retour, prête à partir, alors qu’il me manque encore un gros morceau (et je ne parle pas de mon côlon).

Tu as affaire à une fille qui s’efforce à comprendre sa tête. Pour une personne qui vit autant d’épreuves, s’attendre à la déception est facile. Le petit diable crie à mon cerveau que tout va s’écrouler, même si tout est parfait. Je peux être couché à côté d’un homme après avoir passé une soirée mémorable et penser qu’il s’enfuira en courant. Une fille qui vit de l’anxiété apprécie être rassurée, se faire dire que tout ira bien. Attends-toi à la zone grise, des moments d’incertitudes et rassure là. Soyons clair : Je n’ai pas besoin que tu me texte, je n’ai pas besoin que tu valides mes sentiments, je n’ai pas besoin que tu me sortes, que tu me calmes lors d’une attaque de panique, que tu me tiennes la main pendant une poussée. Comme je te l’ai dit, je suis forte… mais ce serait tout de même charmant.

Comment expliques-tu à quelqu’un qui ne connaît pas ton histoire, ce que tu as vécu, pourquoi tu combats encore des démons alors que c’est terminé? C’est compliqué et  désordonné,  j’aimerais mieux être à l’écart de tout ça. Je veux que quelqu’un apprenne à me connaître avant d’en apprendre sur mon «bagage». Ce que j’oublie c’est que ce bagage est maintenant une partie intégrante de ma vie. Une fille avec une maladie chronique est résiliente et forte; fougueuse et sage; courageuse et audacieuse; humble et sensible. C’est ça que tu obtiens avec une fille atteinte d’une maladie chronique.

Lorsqu’on m’a proposé d’écrire sur le sujet des rencontres, j’ai d’abord pensé, «qui suis-je pour parler de rencontre alors que je suis une débutante? Un sujet dont je ne sais rien.» Finalement, j’en sais. Je sais exactement à quel point c’est difficile et à quel point c’est plaisant (attention, juste parce que je suis célibataire ne signifie pas que je suis seule). Comme je l’ai dit, je sais ce que je mérite et ce qui m’attire. Je sais exactement quels sont mes problèmes et qu’il est bon d’en parler.

Me voilà aujourd’hui, à la fin de ma meilleure année jusqu’à présent, manquant ce petit morceau…

Si vous connaissez quelqu’un que ça ne dérange pas une fille fragilisée avec un cerveau qui s’éparpille…présentez moi.

Stacey

Présenté par : ProAssist