ANA | YAN

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La pente descendante

On mène une vie tranquille. On tente d'être un bon parent pour ses enfants, d'être un employé consciencieux, un ami disponible, un époux  affectueux.  La vie est simple, la routine est installée, on file le train-train quotidien. On sait qu'il y a des tragédies, des drames, des horreurs: les nouvelles en regorgent. Mais en même temps, on se sent tout de même en sécurité. Inconsciemment, on se dit que cela ne pourrait pas nous arriver ... Eh bien oui, personne n'est à l'abri d'un problème de santé. Même si je suis infirmière clinicienne de profession,  je ne suis pas immunisée contre la maladie.

Quand le traumatisme arrive, c'est le choc ! Du moins, c’était une surprise absolue de mon côté. J'ai totalement été prise au dépourvu. Ma conception du monde tel qu'il était et ma vision de moi-même se sont effondrées. Ça été la confusion, le chaos! Ma confiance en la vie, en la nature humaine a été anéantie. Je me sentais révoltée! J'étais submergée par les symptômes incapacitants, douloureux et souffrants.  La réalité était pourtant simple: les complications se sont accumulées, on m'avait fait une césarienne d'urgence et on m'a opérée aux intestins ayant comme conclusion, une iléostomie.

J'avais une vie, une famille et un travail. Je me sentais remplie, investie, solide, utile, efficace. Depuis l'évènement, je ne trouvais plus aucun sens à la vie. Ma conception des choses a été complètement bouleversée. Je ne voyais plus les gens de la même façon. Je ne voyais plus les choses de la même manière. Je n'avais plus d'intérêt pour rien.  Mon seul et unique objectif était de veiller sur mon bébé qui s’était fait arracher de mon utérus deux mois trop tôt.

J'avais peur de tout. Ma vie venait de s'écrouler; tout cela à cause d'une opération, d'une iléostomie et de plusieurs autres facteurs. Je pensais être une personne faible qui n'était pas capable d'affronter les difficultés de la vie. Mais en vérité, tout ce que je viens d’énumérer sont des symptômes de choc post-traumatique et de dépression majeure dont j'ignorais encore l'existence.

Après un traumatisme comme je venais de vivre, il y a habituellement trois phases. Voici le moment où la pente descendante a commencée

Phase 1 : La crise

C’est le moment où j'étais totalement en choc. J'étais littéralement un robot: tous les soins de mon bébé, l'entretien de la maison et j'en passe, se faisaient de manière automatique et non réfléchie. En fait, j'étais désorientée, confuse et j'avais de la difficulté à penser. Mon conjoint et ma famille ignoraient tout de ma situation, même s’ils avaient certains doutes... Je pleurais tous les jours sous la douche, en cachette.

Ensuite, la peur. Je ressentais une vulnérabilité intense. J'avais peur de mourir. J'avais peur qu'il arrive quelque chose de grave à mon bébé. J'avais beaucoup de difficulté à croire ce qui m'était arrivée. J'avais des symptômes dissociatifs: une impression que c'est irréel. Comment avait-on pu m'opérer aussi vite, de faire naître mon enfant en pleine gestation? Pourquoi moi ?

Enfin, je ressentais une intense solitude. Dès les premiers jours suivant la naissance de mon fils et de mon opération aux intestins, il y avait tellement de choses à faire : remplir des déclarations, des constats, des examens médicaux pour moi ou mon petit prince, des appels aux compagnies d’assurances ainsi qu’à mon employeur. Je me sentais complètement  perdu dans toutes ces procédures. J’avais l’impression qu’il n’y avait pas de place pour ma détresse.

Phase 2 : Le post-trauma

En deuxième lieu, je suis passée par la phase d’assimilation. Après le choc, tout notre système psychologique tente de réagir à ce qui s’est passé, de s’adapter à cet événement et de le digérer. Plusieurs symptômes surviennent après le traumatisme. J’avais des souvenirs répétitifs et perturbants (flash-back). Les minutes avant d’aller au bloc opératoire, mon réveil douloureux aux soins intensifs, mon obsession de voir mon fils car j’avais seulement une photo de lui. Ils survenaient à n’importe quel moment de la journée. Je faisais des cauchemars répétitifs chaque nuit. J’étais submergée par l’anxiété qui se traduisait par des signes physiques (maux de cœur, douleur intense et migraine). À ce moment, je prenais plusieurs médicaments pour m’aider à vivre «normalement» : des pilules pour dormir, pour les maux de tête, pour les nausées,  pour les douleurs à l’abdomen, etc.  J’avais d’autres symptômes qui se manifestaient par :

  • des efforts pour éviter les pensées, les sentiments, les conversations, les endroits où les gens associés à mon évènement traumatique;
  • une incapacité à me rappeler des éléments importants;
  • une diminution marquée de l’intérêt pour les activités autrefois importantes et considérés comme agréables;
  • un sentiment de détachement par rapport aux autres;
  • une difficulté à éprouver des sentiments tendres face à des gens qui m’étaient chers;
  • une impression que l’avenir est désormais sombre pour toujours.

Mon corps était devenu tout à coup hypersensible. Je réagissais à tout. J’étais un paquet de nerfs avec des yeux tout le tour de la  tête. J’étais toujours en état d’alerte.

Phase 3 : La résolution

C’est la dernière phase et elle peut prendre deux formes. On  peut avoir bien intégré l’événement avec une résolution des symptômes. Dans l’autre cas, les symptômes restent chroniques et cristallisés et un médecin doit intervenir. Dans mon cas, je ne suis pas parvenue à cette étape de résolution. Donc tout cela a affecté mon quotidien et a contribué à la diminution de ma qualité de vie. J’étais dans un état où je n’avais plus aucune estime de moi parce que la peur était restée trop vive. Ma cicatrice était encore douloureuse et très présente. C’est pour cette raison, plusieurs mois suite à  mon événement traumatique, que je suis allée chercher de l’aide extérieure pour m’en sortir.

Ne perdez pas courage et ne perdez pas espoir. Allez chercher de l’aide. Oui oui, il existe des gens formés pour vous aider. Dans mon prochain article, je vous expliquerai la conséquence de mon choc post-traumatique, c’est-à-dire la dépression majeure. Je vous donnerai également des pistes de solutions pour vous aider à passer au travers. Les séquelles d’un choc post-traumatique semblent parfois insurmontables. Vous avez tout fait pour tenter de vous aider et vous sentez que vous ne faites pas de progrès, parce que votre souffrance est toujours aussi grande? Pourquoi continuer à essayer seul? Des professionnelles de la santé peuvent vous aider à diminuer votre détresse et à retrouver votre qualité de vie.

Rappelez-vous que vous n’êtes pas seul et vous êtes important.

Karine

Présenté par notre partenaire : Pro Assist