ANA | YAN

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La vie fait bien les choses

« What doesn’t kill you makes you stronger » comme on dit! Et bien oui! Je confirme que cela est absolument vrai.

Depuis l’adolescence, la pression sociale et l’opinion des autres ont toujours été très anxiogènes pour moi. Je me comparais toujours aux autres et j’avais de la difficulté à gérer les situations et les éléments sur lesquels je n’avais pas de contrôle. Imaginez-vous lorsque la maladie chronique embarque dans tout ça!

C’est en janvier 2020, sept ans suite à mon diagnostic de colite ulcéreuse, que mes symptômes habituels ont commencé à s’aggraver. Je me suis donc précipitée dans le bureau de ma gastroentérologue que j’avais l’habitude de voir seulement une fois par année pour un examen de contrôle. Je ne me doutais certainement pas que j’allais lui parler et la voir tellement fréquemment qu’elle me connaitrait comme le fond de sa poche! Effectivement, lors de ce rendez-vous, elle a constaté que la maladie, bien contrôlée jusqu’à ce moment, avait repris et que l’inflammation était bien présente dans mon côlon et rectum. De toute évidence, le médicament qui m’avait sauvé pendant les sept dernières années, et pour lequel je suis très reconnaissante, avait épuisé son efficacité. S’en sont suivis de nombreuses hospitalisations (en temps de pandémie!), des traitements de cortisone, des traitements immunosuppresseurs (je les ai tous essayés!), des effets secondaires multiples, des périodes d’anxiété majeure et des grandes souffrances.

Pendant près de six mois, je n’ai pas quitté la maison, sauf pour être hospitalisée à plusieurs reprises. Je passais mes journées et mes nuits entre la salle de bain et mon lit. L’inflammation était tellement prononcée que la colite ulcéreuse me donnait de la fièvre. Je n’arrivais plus à manger et j’avais même de la difficulté à me déplacer tellement j’étais faible. Étant assez petite à la base, j’avais perdu près de 20 livres et j’étais squelettique. Pour une fille qui aime être en contrôle, je ne me suis jamais sentie autant au dépourvu. Heureusement, mes parents, mon frère et mon conjoint ont été là pour moi avec tout leur amour et leur compassion pour m’aider à passer à travers l’épreuve la plus difficile de ma vie jusqu’à ce jour.

Au début du mois d’août 2020, j’ai été admise à l’hôpital une fois de plus, car ma situation ne faisait que s’aggraver. Les médecins avaient en tête l’opération afin de retirer l’intégralité de mon colon, mais ils savaient très bien que je refusais catégoriquement d’entendre les mots « chirurgie » et « stomie ». Entendre parler que cela pourrait être ma destinée me mettait dans un état d’angoisse profonde, de terreur, de désespoir. Je me disais que si c’était la seule option, je ne voudrais plus vivre. Il m’était inimaginable de pouvoir avoir une belle vie avec une stomie. Ma tête tournait à cent milles à l’heure et je me disais : « Qu’est-ce que les gens vont penser de moi? », « Je ne serai pas ‘’normale’’ », « Je ne pourrai plus faire aucune activité », « Je ne pourrai surement pas avoir d’enfants », etc. Évidemment, je ne connaissais absolument rien sur le sujet pour penser de cette façon, mais c’était ma réalité à ce moment. Je ne connaissais personne avec cette condition et je n’avais même jamais entendu parlé de cela auparavant. C’était un sujet embarrassant pour moi, tout comme la maladie en soi.

 

Quelques jours suivant mon entrée à l’hôpital, il était devenu évident pour tous les médecins que la seule option pour me sauver était la colectomie totale ce qui impliquait une iléostomie temporaire. Me retrouvant au pied du mur, c’est avec détresse que j’ai accepté l’opération sachant que la stomie serait temporaire et que, quelques mois après, j’allais être opérée à nouveau pour retirer la stomie et avoir un réservoir interne. J’allais donc pouvoir être « normale » physiquement. « Ouf! », me dis-je.

 

L’opération s’est bien déroulée. Les premiers jours suivant la chirurgie ont été difficiles physiquement et mentalement. Ça m’a pris un petit moment avant d’être capable de regarder ma stomie pour la première fois. Cependant, à ma sortie de l’hôpital quelques jours plus tard, je constatais déjà une grande amélioration de mon état de santé général. Cela m’a amené à rapidement changer ma façon de voir la situation et mon attitude face à ma ‘’nouvelle vie’’. C’est aussi avec tout mon courage que j’ai décidé de m’ouvrir à mon entourage et cela m’a fait un grand bien. On dirait que tout d’un coup, j’étais capable de voir le positif dans tout cela. Je retrouvais enfin une vie; je pouvais sortir de chez moi! À ma grande surprise, je me suis découvert une force intérieure que jamais je ne pensais avoir. Cette force m’a permis de reprendre mes activités tout en m’adaptant et en apprivoisant ma nouvelle réalité de stomisée avec calme et positivisme. Ceci dit, j’avais quand même des moments de vulnérabilité où je me donnais le droit de pleurer et de m’apitoyer sur mon sort, quelques instants, avant de reprendre mes esprits et de me replonger dans le rationnel.

 

Je crois fermement que rien n’arrive pour rien et que la vie nous envoie les épreuves que nous sommes capables de gérer et de surmonter. Je crois aussi que la vie fait bien les choses. Je rêvais d’avoir un enfant (rêve non-réaliste étant malade comme je l’étais), et cela s’est concrétisé seulement deux mois après ma colectomie totale. Je suis d’ailleurs extrêmement surprise d’être tombée enceinte aussi rapidement pendant que mon corps était en train de remonter la pente! Ceci me fait dire que le corps humain est bien fait et qu’au travers des épreuves que l’on vit, il y a du beau et du bon qui peuvent en découler. J’ai donné naissance à ‘’mon petit bébé miracle’’, comme je l’appelle, en juin 2021. Si quelqu’un m’avait dit que je serais maman dix mois et demi après une colectomie totale et avec une stomie, jamais je ne l’aurais cru! Aussi, la maladie m’a transformée, et pour cela, je serai éternellement reconnaissante. À travers les épreuves, j’ai beaucoup évolué. Je suis fière de dire qu’aujourd’hui, en étant stomisée, je n’ai jamais été aussi heureuse et eu autant confiance en moi. Je me préoccupe beaucoup moins de l’opinion des autres à mon égard, je vis bien sans être en contrôle de tout et je vis dans le moment présent! J’apprécie les petites choses et les petits bonheurs quotidiens! Je remercie donc la vie d’avoir mis ma chère stomie, Augustine, sur mon chemin, car grâce à elle, je suis une meilleure personne et, surtout, une meilleure maman!

 

À ceux et celles qui craignent la vie avec une stomie, croyez-moi, ça en vaut la peine!

 

P.S. Croyez-le ou non, à l’automne 2021, j’ai pris la difficile décision de me faire opérer non pas pour renverser ma stomie, mais bien pour la rendre permanente!

Sophie, stomisée permanente